Voler – lettre d’un autre monde, carte postale d’un autre temps @carine roth

Voler – lettre d’un autre monde, carte postale d’un autre temps @carine roth

 

Assumer une incohérence, une parmi tant d’autres – Manifesto pour une activité criminelle.

…dans un tiroir, je retrouve ce texte (photo) écrit autour des 20 ans peut-être…

 

La crise climatique n’est pas une crise du climat. C’est une crise des activités humaines (Aurélien Barrau)

On a cru un instant que qqchose se déplaçait. Mais non. On a juste changé la couleur, ou le discours…

La taille du mensonge est effrayante. Tandis que nos cerveaux flottent un peu inertes sur fond de Covid et de canicule, le monde, lui, passe du murmure aux grondements.

Grondements sourds des volcans, feux de forêt, glaciers qui s’écroulent, orages violents, secousses sociales et injustices mêlées à l’absurdité méchante et bête de la guerre. Et du Nord au Sud les mêmes encore et encore qui souffrent sous les actions délirantes de ceux qui les exploitent avec la bonne conscience du juste et la bêtise new age de discours creux ou l’évidente mauvaise fois de discours politique.

Une farce triste certainement. Mais comment s’aligner, changer, évoluer, oser basculer du côté du vivant? A quelle échelle, depuis quel endroit. Avec quelles incohérences….

 

Aujourd’hui parler de voler…

Parce que c’est devenu vraiment mal, de voler.

Comment justifier une telle activité, un choix aussi égoïste?

Je me dis que toute justification est absurde.

Je regarde voler des abeilles dans l’aube d’une nuit médecine.

Elle pollinise les fleurs en les butinant… Exemple si doux et si fort de collaboration inter espèces, de cette trame du vivant.

Je lève les yeux au ciel, un avion passe là haut dans le ciel bleu…

Et oui, je souris, je suis née en 1971, je suis maintenant presque une vieille, et je ne sais pas du tout comment c’est arrivé!

Mais oui je fais partie d’une catégorie de personnes qui a tellement pris l’avion, tellement voyagé… Le plus possible, le plus loin possible… Bien avant les low costs et autres easyjet, bien avant que l’on banalise le fait de voler… et que l’on transforme le voyage en une activité de selfie et de shopping d’un week-end.

En train, vélo, à pieds, en stop, en bateau, en avion… J’ai voyagé sur plusieurs continents, rencontré d’autres cultures, sociétés, êtres humains. Sur la route pour des semaines, des mois.

Je n’ai pas fondé de famille, pas construit de maison, pas fait carrière… j’ai voyagé.

Et chaque fois j’ai partagé ce que j’ai découvert, tenté d’apporter ma part de compréhension et affection à la différence, à l’inconnu qui devient l’ami cher.

Alors voilà, manifesto pour une activité criminelle… Manger de la viande, voir des films en streaming, rouler en ville en voiture… On peut parler de ça. Le niveau personnel. Et ne pas parler du mensonge d’un système qui refuse la décroissance et l’abandon du système capitaliste d’exploitation des plus faibles au nom de profits écœurants. On peut se dire que si chacun fait qqchose ce sera mieux. Ou désespérer et vite profiter tant que c’est là. On peut avoir mille idées et manières de faire sens. Chacune avec ses failles et beautés et absurdités.

Mon incohérence juste là, celle que je veux éclairer ici parmi tant d’autres: j’aime voler, j’aime plus que tout voyager, c’est une partie de ma vie. Je choisi de partir loin et si possible longtemps et de compenser le co2 en finançant de planter des arbres, je passe une partie de ma vie à faciliter le lien entre humains et nature pour re-trouver une sagesse qui traite le monde comme un être vivant, je ressens les émotions avec une sensibilité qui me dévaste et je sais combien la situation est grave, et, je prends l’avion…

Ce matin en cérémonie, je regarde passer haut dans le ciel bleu cette avion qui vole là et je trouve cela miraculeux. Nous avons su inventer une machine à voler! Quel rêve, quel talent, douce et chère Humanité…

Alors voilà, je n’ai pas d’excuses et ne souhaite pas justifier l’injustifiable.

Mais oui, je prend l’avion, je crée des programmes qui vous invitent à venir rencontrer l’Afrique et le wild américain, oui je vole, en collant mon visage au hublot pour voir la terre depuis le ciel, en chantant des mélodies aux anges qui marchent sur la couche des nuages quand on vole dans le ciel bleu au dessus de la grisaille, en priant quand les étoiles s’allument, en sentant mon coeur si plein d’amour pour nos maladresses de terriens, oui je prend l’avion pour voler et malgré les années je m’émerveille toujours autant que ce soit possible. Je n’aime pas la technologie, je déteste le cloud et la manière dont tout doit aller plus vite peu importe où.

Mais j’aime de tout mon coeur les voyages et la folie de cette acte criminelle, voler quand on a pas d’ailes.

Et je n’ai aucune excuse.

je vous embrasse bien fort

 

we belong